samedi 10 février 2024

ROBERT BADINTER ET L’ABOLITION DE LA PEINE DE MORT

Robert Badinter, avocat, ancien ministre de la justice, ancien Président du Conseil Constitutionnel, sénateur, est celui grâce auquel la peine de mort a été abolie. Cette abolition, personne ne viendrait à la remettre en cause ou seulement la questionner. Il s’agit là d’un absolu, de quelque chose d’intouchable qu’il a préconisé et qu’il a fait voter.


Or, rien n’est plus contestable. En effet, ce qui était véritablement en question quand cette mesure a été votée, c’était le statut de la Cour d’Assises. Celle-ci en effet, constituait le prolongement du Tribunal révolutionnaire créé en 1793 par la Convention Nationale. Ce Tribunal jugeait sans appel. Il était infaillible. C’est lui qui a condamné le Roi et la Reine à la peine de mort. Le peuple était censé ne pouvoir se tromper.


Cette infaillibilité de la Cour d’Assises avait deux siècles lorsque l’abolition fut votée. Personne jamais n’aurait songé à y porter remède. On aurait eu l’impression de toucher à quelque chose de sacré.


Pendant deux siècles, la liberté, selon les Français, a été suspendue aux décisions de cette Cour. Le vote, instaurant un deuxième degré de juridiction à la Cour d’Assises, l’appel de ses arrêts, est intervenu sous le gouvernement de Lionel Jospin en 2003, en même temps que celui à propos de la présomption d’innocence et ce, ultérieurement à l’abolition de la peine de mort.


Tel était le véritable enjeu. D’innombrables têtes sont tombées. Si l’appel eut existé, sans doute eussent-elles pu être sauvées.


Cependant, le vrai problème, c’est que celle-ci présume une société désacralisée, une société qui, faute de certitude et de foi, ne s’autorise plus à condamner à la peine capitale.


Camus et Koestler l’avaient bien vu dans un livre qui a fait date « Réflexions sur la peine capitale ». Comment pourrait-on prononcer, disaient-ils, une décision condamnant à la peine capitale dans une société qui a rompu toute relation au sacré ?


En ce sens, Robert Badinter a été cohérent avec lui-même, à un petit détail près cependant. Il s’est toujours revendiqué comme « juif » et a signé des tribunes dans le journal le Monde, à ce titre.


Or, être juif précisément, c’est entretenir une relation avec l’espace du Saint, avec la question de l’absolu, avec celle de Dieu.


Hors, de cette relation, il n’y a pas de judaïsme.


Sans doute Robert Badinter appartient-il à cette catégorie dite « des juifs laïques ». Ceux-ci ont fait alliance une fois pour toutes avec la République, avec la gauche, avec les Lumières et ceci malgré l’affaire Dreyfus, malgré Vichy, malgré l’Holocauste.


 


 


En fait, la campagne en faveur de l’abolition de la peine de mort était démagogique mais porteuse pour la gauche. Mitterrand d’ailleurs à l’origine ne lui était pas favorable, pas plus que l’ensemble des français.


Elle est surtout critiquable dans le mépris avec lequel elle traite les criminels eux-mêmes.


En effet la mort est le seul châtiment à la hauteur de leurs crimes. On peut imaginer un criminel s’investissant complètement dans son acte, allant au bout de lui-même, au bout de sa passion.


Le crime peut être un choix par rapport à une situation donnée. Il peut être une vengeance que l’on souhaite assouvir, une passion au bout de laquelle on souhaite aller. La société n’a pas le droit de la voler au criminel. Il peut s’agir pour lui d’un acte de liberté.


Lui retirer la possibilité de ce châtiment suprême corollaire de son acte, est rabaissé celui-ci.


C’est donc à lui qu’il reviendrait de choisir. Seule la mort est à la hauteur de son acte. Encore faut-il qu’il ait le courage de revendiquer cette peine. C’est ce qui s’est passé avec Buffet et Bontemps, les derniers condamnés à mort.


L’abolition résulte d’un parti pris de gauche qui semble exprimer un souci humanitaire et qui substitue à une condamnation à mort une peine d’enfermement à vie. C’est ce qui explique le nombre considérable de suicides, dans les prisons françaises.


Les condamnés à des peines de trente ans de prison ou de la prison à vie y trouvent-ils leur compte ? Si on leur posait la question, il est possible qu’ils choisissent la peine de mort.


Par ailleurs, ces années de prison ont un coût. Nous entretenons des criminels et autres terroristes qui eux, n’ont que mépris pour la vie humaine.


L’abolition de la peine de mort n’est pas un progrès vers une humanité plus compatissante. Elle est une crainte devant le crime et surtout une incapacité à le penser. Elle est une défaite devant le caractère sacrée de la vie humaine.



 


Bien plus, la condition des prisons françaises est depuis toujours un authentique scandale. Robert Badinter, lorsqu’il était ministre, n’a pas réussi à y remédier. La France est régulièrement condamnée par la Commission européenne des Droits de l’homme.


Ce mépris des français pour leurs prisons révèle une mentalité intolérante et la Révolution n’a fait qu’accroitre le malaise. Nous vivons toujours sur l’Aveu, cher à l’inquisition, sur la culpabilité, et ceci demeure au-delà des pétitions de principe.


La loi sur la présomption d’innocence, essentielle, est intervenue récemment pour de mauvaises raisons, d’ailleurs. Il s’agissait de venir en aide aux hommes politiques mis en examen.


En tous cas, cette présomption établit une procédure fondamentale du droit anglo-saxon, installée en Grande Bretagne au 16ème siècle, l’Habeas Corpus, qui est le véritable fondement de la démocratie anglaise et de la liberté.


N’en déplaise à la gauche française et même à la droite, les Anglais sont en avance sur nous en ce qui concerne celle-ci.


Les Etats-Unis qui sont un pays protestant en majorité, Israël qui est une nation religieuse, ont conservé la peine de mort, même si elle est exceptionnelle.


Ce qui est en cause en particulier aux USA c’est moins la peine en elle-même que la manière dont elle est distribuée. Cela il faut absolument le modifier. La peine de mort doit être une justice et elle doit respecter le condamné.


 


 


La vérité, c’est que la France si, comme elle le prétend, elle a abattu un certain nombre de tyrans, elle a surtout tenté de détruire en elle un espace indispensable à la survie de l’humain.


Les principes de la Révolution française, telle la laïcité, les droits de l’homme, la liberté, tous fondés sur la mort de Dieu et la toute-puissance de la Raison, n’ont pas été choisis par les français, mais imposés par la dictature jacobine.


La justice française est l’exemple le plus probant du caractère totalitaire des structures de la France. Le symbole en est le juge d’instruction tout puissant, crée par Bonaparte, et qui décide souverainement de l’enfermement des citoyens.


Et certes, des réformes ont été apportées qui ont réduit la toute-puissance de celui-ci. Aujourd’hui il lui est adjoint un magistrat au moment de la mise sous mandat de dépôt : le juge des libertés.


Cependant, l’identité française construite par la Royauté et l’Eglise, modifiée par la Révolution et l’Empire, demeure autoritaire, dans la droite ligne de l’Inquisition.


Une présomption de culpabilité pèse sur la société française, au-delà des récentes réformes, qui vient tout droit de l’Inquisition.


Nous nous situons toujours dans un système inquisitorial face à des pays anglo-saxons qui se situent eux-mêmes dans un système accusatoire.


Nous avons vu qu’en France, la droite comme la gauche se rejoignent dans une complicité négative, à savoir le meurtre du Père, le parricide.


Ce dont il s’agit aujourd’hui, c’est de reconstruire de la symbolique au centre de l’Etat.


La lutte qui intervient aujourd’hui entre la bourgeoisie libérale de sensibilité davantage anglo-saxonne, et la bourgeoisie conservatrice, symbolise le problème de la césure. Ces deux bourgeoisies sont complices dans la parricide.


C’est toujours l’absolu contre la tolérance, la Sorbonne contre l’humanisme, le Collège de France contre l’Inquisition. La bourgeoisie libérale cherche à faire prévaloir des idéaux qui se rattachent davantage à la Réforme.


La haine entre ces deux formes de sensibilité est sans doute pire que celle qu’ils nourrissent face au socialisme ou aux idéologies qui lui sont proches, la plupart matérialistes.


Ici nous sommes dans une authentique guerre de religions.


  


 


Il faut préciser que dans un livre à l’intérieur duquel il exprime sa pensée à propos de la peine de mort « L’abolition », à aucun moment Robert Badinter ne s’apitoie sur le sort des victimes. Qu’elles soient égorgées, cela apparemment ne l’émeut pas. Ce qui le révolte c’est celui du criminel, du terroriste, celui du guillotiné.


Il fait par ailleurs siennes les sciences modernes, en particulier la psychanalyse et la pulsion de mort par laquelle nous serions tous agis. A quelque moment que ce soit nous pourrions en être la victime. C’est le triomphe de l’inconscient.


C’est pourquoi il exonère en partie de leur responsabilité les grands prédateurs tels Barbie et autres criminels de guerre nazis.


Il ne revient pas sur la condamnation de ce dernier à la prison à vie, celui-là même qui a envoyé son père à Auschwitz, où il est décédé.


Il semblerait que Robert Badinter soit pris dans des contradictions difficiles à démêler entre sa fidélité aux idéaux des Lumières, sa condition de juif et ses convictions anglo-saxonnes.


En fait, si la France a été incapable de promouvoir le système de l’Habeas Corpus, c’est en raison de l’existence même de la philosophie des Lumières et de son incapacité à penser le divin.


 


 


Le plus important sans doute dans ce débat, c’est le problème de ce que l’on pourrait nommer celui du « sacrificiel ».


La peine de mort en effet a longtemps été un supplice. Elle a constitué un rite, et ce dans toutes les civilisations. Il ne s’agissait pas seulement de punir mais de « sacrifier » dans la mesure où l’ordre de la Cité avait été transgressé ou aboli. C’est le mythe d’Antigone.


La transgression,  cela méritait davantage qu’un châtiment. Il fallait que celui-ci fût exceptionnel, car il devait empêcher le retour de tels actes qui troublaient l’ordre du monde.


Dans le sacrifice d’Isaac qui est en un certain sens exemplaire, il est à noter que si Dieu envoie à Abraham, sur le bûcher, un bélier en place et lieu de son fils Isaac, c’est parce que celui-ci lui a d’abord obéi inconditionnellement et était prêt à le lui sacrifier.


En tout état de cause dans l’abolition de la peine de mort est inscrite la volonté de rompre avec le sacrificiel. Désormais nous sommes dans le pur rationnel. Nous passons de la peine capitale, à l’enfermement.


Celui-ci est censé être davantage humain. Il faudrait questionner à ce sujet des prisonniers condamnés à passer leur vie entière derrière les barreaux. Seuls, ils pourraient répondre.


Le sacrificiel désormais aboli, le nouveau châtiment est sans doute pire que la mort. Il est glacé, concentrationnaire et à perpétuité. Il a le visage de l’homme technologique, de l’homme industriel, avec tout l’arsenal des quartiers de haute sécurité. En fait, l’homme ici n’a plus de visage.


La mort d’une certaine manière donnait sens à sa vie, à son acte. Elle le hissait à la hauteur du tragique. Ici il n’y a plus rien. L’homme est devenu une ombre.




 


 


ROMAIN GARY


 


Dans « La nuit sera calme », Romain Gary explique qu’il a écrit le texte qui suit à Majorque où il vivait alors en juin 1972 au moment de l’abolition de la peine de mort en Californie.


« Les uns après les autres les pays abolissent la peine de mort. En France des voix d’hommes épris de justice et de dignité appellent à la suppression que ce que Casamayor a dénoncé comme une capitulation devant l’instinct de vindicte populaire. Je voudrais poser ici la question suivante : l’abolition de la peine capitale est-elle la conséquence d’un progrès moral et social autrement dit d’un respect accru pour la valeur vie ou est-elle au contraire le résultat d’une dévalorisation de la vie humaine ?


Mais ne l’oublions pas il y a toujours plus et autre chose qu’un châtiment dans la peine de mort. Il y avait une infirmation du caractère sacré de la vie. Il s’agissait par le châtiment suprême d’assigner à la vie humaine une place suprême.


En ce sens, il est normal que la peine de mort ait existée à des époques humanistes puisque la vie humaine était considérée par celle-ci comme une valeur sacrée.


Il m’est donc difficile de partager l’optimisme de ceux qui voient aujourd’hui dans la disparition progressive de la peine de mort le signe d’un progrès. Il me semble au contraire qu’elle témoigne de la dévalorisation de la vie humaine.


Autrement dit, la peine de mort est devenue archaïque parce que la vie humaine en tant que valeur sacrée l’est devenue encore davantage. Le meurtre tend à être accepté comme un moyen d’expression courant.  Autrement dit, l’abandon de la valeur mort intervient fort logiquement en même temps que la chute en flèche de la valeur vie. »


 


Cet article a été publié dans un ouvrage intitulé « Le 21e siècle sera spirituel ou le Troisième Temple » aux éditions Apopsix en 2017.

lundi 16 octobre 2023

« Israël-Palestine, vers une Fédération des peuples du Moyen Orient »

C’est à l’occasion de l’Affaire Dreyfus que Theodore Hertzl, journaliste autrichien, correspondant d’un journal allemand à Paris, ressent la nécessité de la création d’un état juif.

La dégradation du Capitaine Dreyfus sera sans aucun doute l’événement le plus important de sa vie.

« Mort aux Juifs » criait la foule alors que l’on dégradait l’innocent !

Que ce phénomène d’hystérie collective puisse se produire en France, le pays des Lumières, un siècle après la Déclaration des Droits de l’Homme, le convainc de ce que aucune assimilation n’est possible.

Le paradoxe cependant est que contrairement à ce que préconisaient des hommes tels que Bernard Lazare, grand défenseur de Dreyfus au côté de Péguy ou Magnes, Hertzl va emprunter pour l’édification de cet état les structures mêmes de celui qui a fait défaut, l’Etat-Nation européen.

Telle est sans doute l’origine de l’impasse dans laquelle se trouve la recherche de la paix au Moyen-Orient.

L’Etat-Nation européen dont l’exemple le plus achevé est l’état français, comporte comme fondement l’idéal Kantien des Lumières, celui de la Raison.

Il est lui-même fondé sur une pseudo-nature humaine dont Rousseau reprendra les termes dans le Contrat Social.

Dans « la condition de l’homme moderne », Hanna Arendt fait une critique radicale de Rousseau, des Lumières et de l’Etat-Nation.

Selon elle, la notion de souveraineté, chère à Rousseau, est essentiellement tyrannique. Malgré la proclamation de droits inaliénables et universels, elle réserve en fait la protection de ceux-ci aux seuls nationaux.

L’Etat-Nation s’est avérée incapable d’intégrer les flux migratoires qui ont suivi l’effondrement des grands empires tels l’empire austro-hongrois après la première guerre mondiale.

Il a été incapable d’endiguer Vichy.

Selon Hanna Arendt, il s’agit d’introduire une notion nouvelle fondée sur la pluralité humaine « l’homme avec ses semblables ».

Celle-ci débouche sur une structure politique différente, celle de la Fédération.

Celle-ci ne demande pas à l’individu de renoncer à son identité au profit d’une notion abstraite de l’homme. Elle intègre au contraire dans son authenticité, en tant que juif, chinois, italien ou autre.

Souveraineté et tyrannie sont une seule et même chose. Telle est la grande découverte des américains en matière politique.

Telle est la voie que doit suivre l’Europe.

Pour ce faire, elle doit s’élever au-delà des Etats-Nations qui la composent et se nommer plurielle, c’est-à-dire catholique, protestante, laïque, juive…

Ce n’est que lorsqu’elle aura assumé son identité pleine et entière, qu’elle pourra entrer dans une relation authentique avec les arabes.

Il faut qu’elle recrée de la Symbolique.

La repentance entreprise par Jean XXIII et poursuivie par Jean-Paul II a ressourcé l’Eglise catholique au tronc judaïque.

Elle a coupé le cordon ombilical qui séparait juifs, protestants et catholiques.

Elle constitue une des grandes révolutions spirituelles de notre temps.

La voie est désormais ouverte pour l’unité de l’Europe.

C’est dans un même mouvement que les peuples du Moyen-Orient pourront s’élever au-dessus des états qui les composent pour créer une Fédération.

La question posée au monde par le judaïsme excède l’état d’Israël. Elle excède toute réponse.

 

C’est pourquoi l’accueil de l’autre est indispensable pour éviter le risque de clôture aussi bien du côté du sionisme que du côté de l’islam.

 

Une Fédération des peuples du Moyen-Orient répondrait à cette exigence.

Cette Fédération devrait, comme le prévoyaient Theodore Hertzl et Martin Buber, constituer le prochain interlocuteur entre l’Occident et l’Asie.

Le peuple israélien et le peuple palestinien, tous deux victimes de l’Histoire, forgent sans aucun doute une expérience nouvelle pour les temps à venir, une expérience d’ordre prophétique.

 

Un peu d’histoire

Lorsque les Juifs rentrent sur leur terre, après 2000 ans d’errance, et après l’Holocauste, qui sonne le glas de toute assimilation, les  Nations Unies opèrent un partage de la Palestine et leur en attribuent une partie.

Il faut noter d’ailleurs que le terme de Palestine appartient au langage des Romains (les Philistins) pas à celui des Juifs. Pour ceux-ci, il y a seulement Israël.

En tout état de cause, ce sont les pays arabes qui après ce partage ont immédiatement déclaré la guerre à Israël, et c’est à cette occasion que les Palestiniens ont commencé à immigrer : « Partez ! »  leur a-t-on dit « et lorsque nous auront éliminé les Juifs, vous rentrerez chez vous ».

Ils sont demeurés dans des camps, aucun pays arabe n’acceptant de les accueillir. Bien plus, ils ont été surexploités et considérés comme des étrangers.

C’est dans ce contexte historique précis, et dans le cadre de la Guerre Froide que se crée l’O.L.P. qui se donne comme objectif la destruction d’Israël pour le remplacer par un Etat Palestinien laïc, dont on peut imaginer le sort qu’il réserverait aux Israéliens, en cas de victoire.

C’est ici qu’intervient l’obstacle décisif à la paix telle qu’elle est proposée depuis lors.

Sur ce point il faut noter  qu’une évolution très importante est intervenue du côté palestinien.

Cependant, il est envisageable que l’Etat israélien tel que conçu par le mouvement sioniste puisse être contesté dans sa structure même. Non pas le Retour d’Israël en soi, mais la configuration de l’Etat.

En effet, comme l’a très bien vu Hanna Arendt, l’Etat d’Israël, tel que l’a créé Theodore Herzl a pris la forme de l’Etat-Nation européen. Or c’est cet Etat-Nation qui précisément s’est avéré incapable d’intégrer les différences et en particulier le problème juif, en Europe.

C’est lui qui a fait défaut.

C’est la raison pour laquelle Hanna Arendt opte pour une constitution comme celle des Etats Unis qui comporte à sa base non plus l’idée de nation mais celle de pluralité humaine, « l’homme avec ses semblables ». La Constitution américaine en effet est fondée sur une conception des Droits de l’Homme issue de l’habeas corpus anglais, lui-même fondé sur la Bible,  et non de la philosophie des Lumières.

C’est sans doute également la raison pour laquelle l’Etat d’Israël aujourd’hui et les Palestiniens ne parviennent pas à se mettre d’accord sur un mode de coexistence. Tous deux se situent dans l’ordre de l’Etat Nation. Les Palestiniens veulent construire un Etat, qui serait lui-même le reflet de l’Etat Nation israélien. Ils sont en miroir l’un par rapport à l’autre.

Il faut aussi constater à quel point le discours palestinien se calque sur celui d’Israël. Pour les palestiniens, 1948 devient la « catastrophe » à l’instar de la Shoa. Leur exil depuis cinquante ans s’assimile à l’exil d’Israël (pendant 2000 ans). Leur retour hypothétique se calque sur le Retour d’Israël et sa résurrection, ce qui peut signifier aussi que ces deux peuples ont une identité très proche.

Il conviendrait qu’une forme politique se constitue, qui inclue les différences et intègre la pluralité. Pour cela, il est indispensable qu’interviennent un tiers ou plusieurs états médiateurs et que soit élaborée une constitution qui les transcende.

Trois possibilités politiques se présentent pour qu’une paix puisse advenir : soit que l’Etat d’Israël intègre les arabes palestiniens, comme il l’a fait antérieurement avec les arabes israéliens, pour un million d’entre eux, avec les mêmes droits que les Israéliens. Apparemment, cette solution semble difficile à réaliser aujourd’hui. On pourrait imaginer un référendum sous l’égide des Nations Unies qui interrogerait les Palestiniens à propos de leur souhait, mais la haine et les pressions ne leur permettraient sans doute pas de faire un choix libre.

La deuxième solution, c’est que les deux Entités se séparent. C’est ce qu’on est  en train de tenter de réaliser. Ceci est en contradiction avec la nécessité pour ces Etats de collaborer entre eux pour des raisons d’ordre économique et spirituel.

La solution la plus raisonnable ne serait-elle pas celle d’une Fédération ? On pourrait imaginer celle des pays du Moyen Orient à l’intérieur de laquelle chaque peuple serait souverain. C’est ce que préconisait à l’origine Bernard Lazare et Magnes.

On pourrait envisager ultérieurement une Fédération qui aurait pour vocation la création des Etats Unis du Moyen Orient.

Jusqu’à présent, les Juifs, à travers l’histoire de l’Europe et aussi celle des pays arabes chez lesquels ils ont habité, se sont toujours vécus comme victimes en même temps que différents. Au-delà de cette différence, ils se sont considérés également, et en raison de la persécution même, comme uniques et élus. Or, l’Election, contrairement à ce qui est très souvent nommé, a été donnée au patriarche Jacob pour tout homme, pour l’Universel. Dans le combat que livre celui-ci  avec l’Ange, c'est-à-dire avec Dieu, et à sa suite chaque homme peut s’élire. Il ne s’agit pas en conséquence d’une singularité irréductible et exclusive mais seulement d’une différence.

Cela est si vrai que le judaïsme s’exprime par ailleurs à travers la diaspora. L’Etat d’Israël est un mode d’expression du judaïsme parmi d’autres.

C’est cette différence qui doit s’inscrire dans la constitution d’une Fédération, susceptible d’accueillir les autres singularités.

La question posée au monde par le judaïsme excède l’Etat d’Israël. Elle excède toute réponse.

C’est pourquoi l’accueil de l’autre est indispensable pour éviter le risque de clôture aussi bien du côté du sionisme que celui de l’Islam. 

Il faut qu’Israël ainsi que les Palestiniens suscitent en leur sein des hommes de paix.


Il s’agit de créer un espace de paix par la constitution d’une modalité politique qui intégrerait les deux états. Israël, la Palestine, seraient deux entités, chacune ancrée dans son histoire, accueillant l’autre grâce à un tiers espace symbolique. Les Nations Unies ne peuvent tenir ce rôle. Ce serait une ingérence dans les affaires d’Israël, aussi bien que dans celle des palestiniens. Elle viendrait de l’extérieur.

Il faut que des pays arabes, l’Egypte par exemple, le Liban, interviennent comme états tiers. Ce serait une grande révolution symbolique, une manière d’accueillir l’autre, de l’intégrer.

Le dialogue ne peut se produire qu’au-delà de la séparation médiatisée par d’autres états, et transcendée par une entité symbolique, une Constitution qui pose à sa base la pluralité humaine, « l’homme avec ses semblables ».

Cette Fédération devrait, comme le prévoyait Théodore Herzl et Martin  Buber, constituer le prochain interlocuteur entre l’Occident et l’Asie.

Le peuple israélien et le peuple palestinien tous deux victimes de l’Histoire forgent sans aucun doute une expérience nouvelle pour les temps à venir, une expérience d’ordre prophétique.

                       

Edouard VALDMAN

Edouard Valdman, écrivain, est ancien élève de l’Institut d’Etudes Politiques de Paris, ancien Secrétaire de la Conférence du Stage du Barreau de Paris. Il a donné de nombreuses conférences, notamment dans les universités américaines, NYU, Columbia, Princeton.

Derniers ouvrages parus : Les Juifs et l’argent : pour une métaphysique de l’argent (Éditions Galilée), Dieu n’est pas mort ; le malentendu des Lumières (Éditions L’Harmattan, 2004) ; France-Etats-Unis ; une nécessaire union.

lundi 17 juillet 2023

A PROPOS D’EMEUTES : les barbares contre l’Empire

Nous appartenons à une civilisation judéo chrétienne, même si nous ne le savons pas. Le Père et la Loi la gouvernent. C’est de ceux-ci qu’elle tire sa force.

 

C’est sur le Mont Sinaï que tout a débuté. Et c’est là que se pose toujours le problème. La Loi édicte les hiérarchies, établit les codes.

 

Nous appartenons également à une civilisation patriarcale. Or tout, actuellement semble aller à l’encontre de ses principes.

 

Les femmes souhaitent devenir l’égal des hommes, pas seulement dans leurs droits, ce qui serait souhaitable, mais dans leurs accoutrements. Elles se libèrent de la pudeur, du voile, qui avait un sens religieux.

 

La vierge Marie en était le symbole. Elle domine toute l’iconographie occidentale.

 

Le mariage était une institution sacrée et d’irrévocable. Le divorce est une conquête récente des femmes.

 

Davantage, aujourd’hui un homme peut épouser un autre homme. C’est le mariage pour tous, voté en France sous un régime socialiste. Les homosexuels eux-mêmes défilent dans toutes les capitales du monde, même à Jérusalem.

 

Selon nos élites, cela s’appellerait la liberté. 

 

Comment la jeunesse pourrait-elle se retrouver dans un monde qui tourne le dos à ses valeurs ancestrales ?

 

La vérité, c’est que notre civilisation désormais « va à vol eau ». Le progrès technique accélère la décadence. Il renforce l’uniformité et fait du monde une formidable fourmilière qui se dissoudra prochainement comme autant d’immondices.

 

La notion d’Homme, d’ordre métaphysique, née à Athènes, qui s’est poursuivie à Rome et sur le Mont Sinaï, est en train de disparaitre sous le flot des barbares. En fait ceux-ci, tout odieux qu’ils soient, ont le mérite de poser le problème comme l’ont fait avant eux ceux qui s’en prenaient à l’empire romain.

 

Personne ne peut affirmer qu’ils revendiquent une société plus juste, en tout cas ils rejettent cette société. Elle leur fait horreur.

 

 

 

 

Au moment où éclata la Révolution française on eut pu croire que la liberté était enfin advenue. C’est d’ailleurs au nom de cette dernière que le soulèvement s’effectuera, ainsi qu’au nom de l’Egalité. La France eut pu devenir multiculturelle, c’est-à-dire catholique, protestante, juive, laïque. Les langues régionales eussent pu s’épanouir.

 

Ce n’est pas ce qui advint. Les jacobins jetèrent bientôt sur elle le voile de la laïcité. On pouvait exercer le culte de son choix, à condition de ne pas en parler.

 

C’est là que prennent tout leur sens les évènements dramatiques auxquels nous assistons aujourd’hui.

 

En effet, la République, la laïcité, ne sont pas des principes suffisamment puissants pour leur permettre d’intégrer les peuples qui se pressent aux portes de la France.

 

Les migrations, pour se passer dans des conditions convenables, doivent se référer en même temps qu’à la République, à une foi et à une croyance.

 

Les migrations musulmanes, solde de notre empire, pour se dérouler sans heurt, ont besoin de se référer à une identité plus lointaine et plus profonde, à leur véritable identité, sinon elles avancent dans le vide et au bout de ce vide il y a le désespoir.

 

Les institutions qui avaient pour tâche d’éduquer la jeunesse, en opérant une authentique intégration sociale tel le service militaire obligatoire ont été supprimées.

 

Les églises elles-mêmes, en se démocratisant, se sont paradoxalement vidées.

 

La laïcité s’est avérée impuissante devant Vichy. Elle s’est avérée insuffisante devant l’affaire Dreyfus. Elle a empêché aujourd’hui qu’un authentique Islam de France soit fondé, qui eut permis d’intégrer la jeunesse musulmane.

 

Un malaise général gangrène la société.

 

 

 

 

Le principe de la laïcité doit être élargi, de manière à pouvoir intégrer les différentes ethnies qui se pressent à la porte de notre pays.

 

Les émeutiers d’aujourd’hui même s’ils ont acquis la nationalité française, sont des musulmans et ils ont besoin de s’appuyer sur une foi. La laïcité n’est pas capable de les assimiler.

 

Nous-même souffrons de la même maladie. Les tentatives vers une laïcité positive ont échoué. Elles n’ont pas réussi à intégrer les différentes identités bretonnes, catalanes et autres.

 

Si l’on veut s’attaquer au mal dans sa profondeur, il faut permettre au principe de la laïcité de s’adjoindre un principe religieux. Seul il peut combler les âmes et répondre à la soif d’une identité pleine.

 

Il faut revenir à ce moment de la Révolution ou nous avons été castrés de notre identité, au profit de notions purement abstraites. La notion de citoyen en est une.

 

 

 

 

Enfin, pour pouvoir avoir une société paisible, il faut que ceux qui la dirigent possèdent un minimum de dignité.

 

Il n’y a plus de structures morales, d’interdit ou d’idéal.

 

Le pouvoir de Monsieur Macron est un pouvoir usurpé, un compromis entre le Parquet financier et les manipulations de Monsieur Hollande contre François Fillon. Ce pouvoir est illégitime.

 

Monsieur Dupond-Moretti, ministre de la Justice, avait déposé une plainte contre des écoutes téléphoniques dont il aurait fait l’objet lorsqu’il était avocat. Dès qu’il a été nommé ministre de la Justice, il y a renoncé.

 

Les partis politiques sont déliquescents.

 

La gauche, à un moment pouvait représenter un certain idéal. Elle est en pleine décrépitude.

 

La droite a peur de s’assumer dans ses contradictions et de faire alliance avec le Rassemblement National.

 

Le dernier homme politique fut le Général de Gaulle. Depuis, tous se sont acharnés à détruire les assises de la V° République, que ce soit Mitterrand, Chirac et autres Hollande.

 

La France est devant un gouffre. La seule solution serait qu’elle fasse appel à ses anciennes valeurs, et que se réalise enfin l’union entre la droite la plus classique et le Rassemblement National.

 

Il faut surtout qu’elle revivifie son antique civilité, sa religion et sa civilisation.

 

Edouard VALDMAN

vendredi 9 juin 2023

Les Larmes du Temps - Marché de la poésie

 A l'occasion du marché de la poésie, qui se déroulera place Saint Sulpice à Paris du 7 au 12 juin 2023, Edouard Valdman a le plaisir de vous communiquer un poème extrait d'un recueil publié en novembre 2005, "Les Larmes du Temps".

 

J’entends la guerre, j’entends le meurtre

à l’autre bout du monde

 

L’enfant qu’on égorge

La ferme brûlée

J’entends le feu qui ravage

Les os qui craquent

Je vois le sang tomber sur le sol d’un cou fragile

Que j’eusse aimé

 

Je vois le chemin plein

De leurs pas hideux,

De leurs bottes, et de leurs chars

Je vois les prairies

Les herbes piétinées

 

Je ne peux plus dormir

Je ne peux plus rêver

J’ai peur de m’habituer à la souffrance

 

Non il ne faut pas !

Il ne faut pas croire que toujours

Ce sera pareil !

Peut-être qu’il y aura un jour un vrai printemps !

Qu’il n’y aura plus de chars

Qu’il n’y aura plus de bottes

Qu’il n’y aura que des cortèges

De fleurs, d’amants

D’amis, de femmes

Sinon, alors !

Qu’avons-nous fait ?

Pourquoi le Mal ?

 

Je descendrai dans le village

J’habillerai les morts

Je fermerai leurs yeux, s’ils en ont encore !

Je réunirai leurs bras tendus

Etonnés,

Je baiserai leurs lèvres étrangères

Si miennes

 

Je reconstruirai la maison

Plus dure

Plus forte

Et cette fois-ci je dis

Ils ne viendront pas !

 

Peut-être aussi qu’ils ne savaient pas !

Peut-être qu’il fallait leur dire la source, la rosée

Le ciel !

Peut-être qu’il fallait les aimer !

 

Il faut refaire la terre

L’ensemencer d’espoir

La labourer avec le cœur

Il faut l’abreuver de joie et de soleil !

 

Dieu est mort, mais nous sommes à naitre !

Le blé ne lèvera pas sans larmes

L’esprit laboure, le cœur se heurte aux pierres

Qu’importe s’il a mal ?

 

Le son du cœur contre les pierres est le cri nouveau

de l’Homme

 

Laisse respirer la terre

Laisse-là prendre son temps

 

Un jour, le soleil se lèvera sur un champ radieux

Il n’y aura plus d’esclaves

Il n’y aura plus de maîtres !

 

Il y aura le grand silence de l’infini,

Vers lequel les hommes regarderont ensemble

Sans peur

Emerveillés !


mardi 29 novembre 2022

DEDICACE






Edouard Valdman


 dédicacera son dernier ouvrage


 Le drame français 


publié aux éditions Les impliqués
 le 3 décembre prochain de 14h à 18h


 dans les salons de la Mairie du 6° arrondissement, place Saint-Sulpice à Paris


 Il serait honoré par votre présence

lundi 17 octobre 2022

LE MIRACLE KOMET (Komet est décédé le 10 octobre 2022)

J'ai rencontré Komet GOSKUN dans les années 1970, à la Palette, un café tout à fait charmant situé place Jacques Calot à Paris, au cœur du quartier de Saint Germain des Prés.


C’était un rendez-vous bohème. Il y avait beaucoup d'artistes et surtout des peintres.


En même temps que Komet, j'y ai connu Azocar, Topor, Dado, Cusin-berche…


Seule ombre au tableau, la présence d'un garçon particulièrement désagréable, Jean François, qui n'avait aucun égard vis à vis de ses clients et que nous étions obligés de supporter. Il ménageait Komet car il pensait que peut-être un jour son œuvre prendrait de la valeur.


Komet venait là chaque soir. A cette époque, il buvait beaucoup et cela lui revenait d’ailleurs assez cher.


Il était d'origine turque. Il habitait au carrefour Vavin, un studio de 20 m2 dont il avait fait son atelier, au 6ème étage d'un immeuble, 210 boulevard Raspail.


C’était un personnage à la Modigliani, fragile, admirablement doué. A l'époque il avait de très longs et épais cheveux, qui lui tressaient comme une couronne autour du visage.


Komet était pauvre. Il était venu de Turquie avec une bourse puis était resté à Paris, sans moyens. Il vivait essentiellement de sa peinture.


J'ai immédiatement éprouvé une passion pour celle-ci et j'ai réussi à la faire acquérir à l'ensemble de mes amis.  Avec Komet, j'avais l'impression de revivre l'aventure de Modigliani et de Zobrovski, son ami et marchand.


Je lui achetais régulièrement des tableaux qu'il me cédait à des prix très raisonnables. J'étais un amateur d'art, un apprenti collectionneur.


Komet avait fait ses études à Istanbul puis avait obtenu une bourse pour venir à Paris.


Il s’inscrivait dans une grande tradition, celle des peintres orientaux et des icônes. Komet était athée, mais sa peinture était religieuse, inspirée. Il peignait des visages hallucinés au centre de paysages désertiques.


Dès alors j’achetai à Komet une immense toile qui ne me quitta plus. Elle représentait pour moi un ex voto moderne.


Komet était certes un homme du désert, par cette solitude au cœur de son œuvre, mais il était extrêmement communicatif, et il fréquentait les peintres de son temps.


La compagne de son ami Olivier Olivier dirigeait la Galerie Briance, qui lui fit une très belle place. Il y eut aussi Cérès Franco, à la Galerie L’Œil de Bœuf, rue Quincampoix, qui l’accueillit avec beaucoup de générosité et d’intérêt.


J’allai souvent lui rendre visite dans son atelier du 210 bd Raspail, un 20 m2 dans le ciel.


Je n'ai jamais personnellement été affecté par la peinture dite  « tragique », telle celle de Music, par exemple ou celle de Komet. Au contraire, elle me réconforte dans la mesure où elle creuse profondément à l’intérieur de l’humain, et transcende l’horreur.


Que l'on ait pu quérir la beauté si loin à l'intérieur de l’Homme me rassure d'une certaine manière.


Que Komet lui-même ait pu survivre au milieu de tant de difficultés est proprement miraculeux.


Il était peintre seulement et poète. Malheureusement je n'ai jamais pu lire ses poèmes, ne connaissant pas la langue turque.


Je me rendais souvent chez Komet. Je le regardais peindre et nous avions aussi de longues conversations, puis nous descendions et allions boire un verre soit à la Palette, soit au café en bas de son immeuble, le Gymnase.


Komet était aussi très précieux. C'était un aristocrate. Il ne mangeait que des mets choisis, même dans ses moments les plus difficiles.


Quant à la boisson, il se tenait vraiment comme un prince. Il était majestueux. Il dégustait selon un véritable rite.


De temps en temps, il rentrait en Turquie mais revenait vite car il adorait Paris qui était sa vraie patrie.


Komet aimait mes poèmes. Cela me faisait plaisir et m’honorait, car j'avais pour lui la plus haute estime.


Nous avons participé ensemble à un festival de poésie à Aubigny sur Nère, dans le Loiret, au château des Stuarts, auquel participaient entre autres Aragon et d'autres peintres et poètes tels Fassianos qui m’introduisirent auprès de ce dernier


Que l'œuvre de Komet ait pu prendre sa place dans le monde dans lequel nous nous trouvons me rassure. La vérité en fin de compte finit toujours par triompher. Par contre elle est souvent enfouie sous la masse des facilités ou de la médiocrité, et on arrive parfois à  douter de son avenir.


Que Komet soit devenu un peintre célèbre, en particulier en Turquie, que son œuvre soit cotée désormais sur le marché international est une performance extraordinaire.


Komet a fini par prendre la nationalité française. Réjouissons-nous car ce sont des immigrés tels que lui dont nous avons besoin. Il est marié à Zennep, elle-même écrivain turque. Il fait toujours les allers et retours entre Istanbul et Paris, il est toujours dans l'interstice, dans l'errance et sa peinture est toujours douce, cruelle et bleu nuit.


La parole de Komet est difficilement audible mais au fond ce n'est pas cela le plus important. Ce n'est même pas sa peinture. Le plus important c'est qu'il est un homme authentique, qui vit et assume ce qu'il fait.


L'aventure de Komet est singulière. D'une certaine manière il est un Saint, un trait d'union entre les hommes, le trait d'union de la beauté.


J'ai un désir fou de le connaître chez lui, à Istanbul, dans son univers. J'ai tardé de venir le voir. Je souhaiterais que ceci se réalise bientôt.


En tous cas, sa célébrité et sa réussite me ravissent.


Elles me rassurent.


 Edouard VALDMAN



mardi 6 septembre 2022

LE RETOUR DU TRAGIQUE

C’est à la suite de deux guerres mondiales que les Etats-Unis ont réussi à s’implanter en Europe.


La grande crise de 1929 a sonné l’heure de son effondrement. Hitler a été le plus pur produit de celle-ci.

 

Ultérieurement, les Etats-Unis sont devenus la première puissance impériale du monde.

 

Ils semblent avoir avec l’Europe une relation privilégiée. Celle-ci, il est vrai, est à leur origine. Cela n’enlève rien à leur manière d’agir. Encore récemment on a vu comment Joe Biden a volé aux français l’affaire australienne. Il ne se s’est même pas excusé.

 

En fait, les Etats-Unis regardent le monde comme un supermarché avec l’ambition d’y faire les affaires les plus rentables.

 

La France et l’Allemagne gardent une autonomie de façade mais on y parle anglais, on y mange américain et on est friand des films d’Hollywood.

 

Les artistes français contemporains ont une valeur moitié moindre que les artistes américains à part peut-être Picasso et Nicolas de Staël, qui se sont imposés en Amérique avant la deuxième guerre mondiale.

 

 

 

En ce qui concerne la Russie, les Etats-Unis après l’effondrement du marxisme, croyaient la partie définitivement close. Ils l’ont traitée avec beaucoup de désinvolture et même un certain mépris.

 

On baignait dans la mondialisation, une prophétie pervertie dans laquelle se dissolvaient les différentes identités, tout cela sous couvert de progrès et de démocratie. Le monde avait triomphé du mal. Fukuyama criait victoire.

 

Tout à coup Poutine surgit comme un authentique cataclysme.

 

L’Iran, l’Iraq, la Syrie, tout cela c’étaient des petites guerres. Elles se déroulaient loin de l’Europe, à la périphérie.

 

Avec l’Ukraine on est au cœur de l’Europe. Par ailleurs, la Russie est un grand peuple, et bien plus, elle est une part de cette dernière.

 

Poutine, après avoir subi de nombreuses humiliations, ne souhaite pas que son pays devienne une colonie américaine. Or, sous le vocable de la liberté, l’Ukraine et autre partie de l’empire traditionnel russe ont fait joujou avec lui, en flirtant avec les Etats-Unis.

 

La Russie immémoriale, peut-elle se permettre de perdre l’Ukraine, et autres peuples slaves ?

 

Envisage-t-elle de disparaitre et d’installer à Kiev, son ancienne capitale spirituelle, un Mc Donald, ou autre emblème du marché américain ?

 

Tel est le problème qui se pose aujourd’hui.

 

 

 

Les Etats-Unis et l’Europe se meuvent dans un contexte, judéo chrétien. Au-delà de leur violence, ils se situent encore dans un monde gouverné par Dieu « In Good we trust ». Même si la guerre triomphe, elle le fait au nom des « Droits de l’Homme ».

 

Avec Poutine, c’est le retour de la toute-puissance de ce dernier, de l’au-delà du bien et du mal.

 

La Russie fait ressurgir le Tragique au sens grec du terme, c’est-à-dire l’Homme Dieu, la volonté de puissance, le culte du héros.

 

C’est Nietzsche contre la Bible.

 

Lors de la dernière conflagration mondiale, c’est un même jeu qui s’est déployé. La Prophétie à ce moment-là était représentée par le marxisme, le Tragique par Hitler. Il a fallu le dernier conflit pour rétablir l’équilibre entre ces deux dimensions.

 

 

 

L’Europe a fait erreur en s’engageant trop rapidement dans une confrontation avec la Russie. Il convenait quelle fut un intermédiaire, un lieu d’échanges et de solutions à ce conflit.

 

Il eut fallu qu’elle jouat son rôle d’ordre civilisationnel.

 

Le problème est qu’elle entend se construire sur les Lumières et la pure Raison, en refusant d’assumer son héritage religieux.

 

D’Athènes au christianisme, l’Europe pourtant est un espace métaphysique, C’est cette dimension qui peut lui permettre de s’élever au dessus des nations et de devenir un lieu de conciliation. C’est celle-ci qui peut l’autoriser à tenir la guerre à distance et de maintenir entre les Russes et les Ukrainiens, une passerelle d’un ordre autre.

 

C’est cette défaillance, qui aujourd’hui engage la Commnauté européenne dans une très dangeurese confrontation.

 

Qui pourrait aujourd’hui constituer  ce pont qu’elle s’est refusée à être, imaginant qu’elle allait faire son unité au travers de ce conflit.

 

 

 

Les sociétés, nations et civilisations vivent et meurent à l’intérieur d’une Histoire qui repose elle-même sur des structures stables.

 

La Grande Bretagne par exemple, n’a pas eu le même destin que la France, qui n’a pas connu celui de l’Espagne, qui n’a pas connu le même que la Suède. Ainsi des Etats-Unis eux-mêmes issus de l’émigration des colons européens huguenots. Bien que séparés de la mère patrie, ils sont demeurés des anglo-saxons « In Good we trust ».

 

Les russes appartiennent à un autre ordre. Ce sont des slaves. Leur Histoire est autre. Elle est constituée avant tout par la lutte contre les tartares et les mongols.

 

On voit bien aujourd’hui qu’au-delà de la Révolution marxiste ils sont demeurés très attachés à une certaine forme d’autorité.

 

Les chinois à leur tour qui ont vécu durant 2000 ans dans l’Empire du Milieu, subissent aujourd’hui une idéologie marxiste. Ils demeurent impénétrables. Bien que faisant partie du Conseil de sécurité des Nations Unies, ils sont étrangers à l’idéologie occidentale.

 

 

 

En fait les idéologies recouvrent des structures anciennes qui évoluent lentement.

 

La civilisation première risque de se réveiller et de détruire la couche idéologique nouvelle.

 

C’est la raison pour laquelle vouloir fragmenter la Russie est une démarche hasardeuse.

 

Certes l’Ukraine ou toute autre part de celle-ci ont droit à un destin propre.

 

Cependant comment séparer Kiev de la Russie alors qu’elle est sa première capitale spirituelle ?

 

C’est pourquoi la guerre qui se livre aujourd’hui est contre nature.

 

Elle est dommageable pour tous, sauf pour les Etats-Unis qui se sont toujours opposés à l’idée européenne et voient dans ce conflit l’ultime moyen pour empêcher l’Europe de se faire.

 

N’oublions pas enfin que nous sommes imprégnés de culture russe et que la Russie est part de notre héritage culturel et spirituel. Non seulement on ne peut pas séparer l’Ukraine de la Russie mais on ne peut pas séparer la Russie de l’Europe.

 

 

 

Dans un livre publié en 2017 « Le IIIème Temple », j’ai tenté de montrer que l’équilibre en Occident devait être trouvé dans l’union de trois puissances, le bloc américain d’abord, le bloc européen ensuite, le bloc russe enfin.

 

Ce dernier bloc est d’autant plus important que la Chine tente de le séduire et de l’attirer hors de l’Occident. Or ce bloc est partie de notre Histoire. Le Général de Gaulle disait, « l’Europe de l’Atlantique à l’Oural ! ».

 

Nous avons baigné dans la culture russe. Nous avons été imprégnés par sa littérature, que ce soit Tolstoï, Tourgueniev, Dostoïevski, les Ballets Russes et Diaghilev, l’Hermitage.

 

 

 

Les bonnes âmes longtemps favorables à l’Union Soviétique voyaient bien que cela ne marchait pas mais personne ne s’attendait à ce qu’elle s’effondre aussi rapidement. Ce fut vraiment le dégel, comme un monde qui soudain s’écroulait, une montagne qui s’affaissait. Le monde du matérialisme historique avait duré cinquante ans, moins que ne l’avaient espéré les tenants de l’orthodoxie marxiste, que ce soient Althusser, Sartre ou Aragon, tous ceux qui imaginaient la pensée marxiste incontournable, en fait la majorité des intellectuels français.

 

Après l’effondrement de l’URSS, Poutine a cherché à reconstruire la Russie. On ne l’a pas aidé. Pourtant, décision notoire, il a réintroduit l’Eglise orthodoxe dans le monde russe, église qui avait été chassée par les soviets.

 

Ce changement était spectaculaire. Il était un signe. Poutine a été contraint de se tourner vers la Chine.

 

Et voilà qu’un homme reconstruit l’Empire. On espérait qu’il demeurerait dans les ruines. C’était l’intérêt de l’Occident et des Américains en particulier. Poutine rebâtit la Russie. Bien plus, il y intègre le religieux, l’orthodoxie, à la grande surprise des Occidentaux et surtout à la face des tenants de la laïcité. Quoi qu’il en soit, l’Occident engage immédiatement les hostilités au lieu de se concilier Poutine, européeen, chef d’une communauté, qui fut notre alliée lors de la dernière guerre mondiale. On l’isole et on l’oblige à se tourner vers la Chine ou d’autres pays du Tiers Monde. Manœuvre diplomatique erronée et absurde des États-Unis et de la France.

 

Il ne faut pas oublier que c’est nous qui avons importé en Russie l’horreur stalinienne. C’est nous qui avons fait de celle-ci l’Union soviétique. En effet la pensée marxiste est une pensée occidentale. Elle est née en Allemagne et Marx pensait lui-même que c’est dans ce pays que la révolution se produirait. Ce sont les Lumières et Jean-Jacques Rousseau qui sont à l’origine du stalinisme de même qu’elles ont enfanté le maoïsme. Tous deux sont l’œuvre de notre rationalité, mêlée au messianisme rousseauiste.

 

 

 

Dans la cathédrale Notre Dame récemment à Paris des Femen, se sont livrées à la violation de l’espace sacré. Il n’y eut aucune poursuite. Au contraire elles se sont retrouvées en effigie sur les nouveaux timbres : elles figurent désormais Marianne.

 

Vladimir Poutine a été confronté récemment au même problème. Les Pussy riots ont violé l’espace sacré d’une église russe. Elles ont fini en prison et ont été condamnées. En Tchétchénie, Poutine s’est montré inflexible. Il a fait la guerre au terrorisme. Ce pays risquait de faire sécession profitant de la faiblesse de la Russie renaissante. Les bonnes âmes se sont émues et comme nécessairement il a été traité d’assassin par des intellectuels français.

 

Poutine est conséquent. Il n’a aucune indulgence envers le terrorisme. Il nomme les différences. Il croit qu’il y a des codes, des traditions, une normalité.

 

Poutine tente de refonder la Russie sur ses valeurs immémoriales. Les jeux olympiques de Sotchi ont été pour lui une exceptionnelle opportunité, lui permettant de faire connaitre au monde sa volonté de rebâtir son pays. Le spectacle qu’il a donné, particulièrement somptueux, à l’occasion de ces jeux, a accru son influence dans le monde, et attiré en même temps l’envie. Il a par-là même annoncé le retour de la Russie sur l’échiquier mondial, en exposant à côté du sport les valeurs russes, la danse, la musique, la grande littérature.

 

Le fait de dévoiler au monde le visage de Soljenitsyne aux côtés de celui de Dostoïevski et de Tolstoï a été un très grand moment de télévision mondiale, et surtout un signe très important de la volonté de bâtir désormais une Russie plus tolérante.

 

Le succès russe aux jeux de Sotchi en ont été un autre.

 

L’Europe en mal de formation, ainsi que les États-Unis ont profité de ces jeux de Sotchi pour tenter de déstabiliser l’Ukraine. L’Occident craint le retour en force de la Russie sur la scène mondiale. De brillants intellectuels ont même suggéré de boycotter ces jeux.

 

Que l’Amérique, à cette occasion, evoque la démocratie, cela fait rire le monde qu’elle met par ailleurs sur écoute. Quand elle entre en Irak et détruit cette nation malgré les réticences de l’ONU, sans doute est-ce aussi cela la démocratie !

 

 

 

L’Amérique est en train de se dissoudre dans une globalisation qu’elle prétendait dominer jusqu’à ce jour. Elle tend à abolir les frontières entre les Nations, au profit des multinationales dont elle risque d’être prochainement la victime.

 

La Russie peut-être demain notre rempart contre une Chine trop puissante. En tout état de cause elle est un élément fondamental de l’équilibre mondial.

 

Les États-Unis se pensent toujours comme les dirigeants d’un monde unilatéral révolu. L’Europe laisse apparaître ses divisions. L’Allemagne et la Grande-Bretagne font bande à part.

 

En Ukraine, les partis sont eux-mêmes divisés entre les pro-européens et les pro-russes. Querelle stérile ! La solution : que l’Ukraine choisisse librement son destin, sans intervention aucune. Kiev demeure la capitale spirituelle de la Russie.

 

Les points essentiels de cette affaire : les équivoques de l’Europe en mal de formation, les provocations absurdes de l’Amérique, la volonté de Vladimir Poutine de reconstruire la Russie éternelle dont la puissance est indispensable à l’équilibre mondial.

 

 

 

La démocratie est incontestablement aujourd’hui en péril, et la société en décadence. Ce n’est plus le peuple qui vote et qui choisit ses représentants, ce sont les propriétaires des médias qui manipulent l’opinion.

 

Face à ces puissances considérables, que représente désormais la liberté ? Elle est un vain mot, comme le Livre. Ce dernier était référence au Livre sacré, notre ultime recours contre le Mal. Il suggérait un espace absolu.

 

Comment par ailleurs reconstruire une civilisation s’ il n’y a plus de valeur suprême ? L’intelligence est devenue artificielle. C’est le règne de la masse.

 

Le monde est désormais numérique. L’homme communique dans l’éphémère. Il n’y a plus d’authentique intériorité ni de questionnement.

 

 

 

Plus avant, les évènements actuels posent un problème essentiellement religieux.

 

Le Retour d’Israël pouvait laisser présager au moins pour ceux qui ont une lien spirituel avec la Loi et avec le Père, un monde davantage pacifié.

 

Il n’en est rien.

 

Le problème qui est posé à travers ce conflit, c’est celui du mal dans le monde.

 

Nous sommes confrontés à un nouvel échec de l’Homme.

 

Ce problème appartient à une autre dimension de la conscience humaine. Le conflit en Ukraine renvoie directement à celui de la transcendance et à la relation que l’on peut entretenir avec elle.

 

On est irrémédiablement ramené à une des plus belles pages de Dostoievski dans les frères Karamazov, lorsque le père et les fils se rendent au monastère et s’accusent les uns les autres “Mettez-vous à genoux!” Telle est l’injonction du moine.

 

C’est la même que prononce le Père Huvelvin face au Père de Foucald venu lui demander son aide spirituelle.

 

 

 

Je n’irais pas jusqu’à dire, comme Mme Soljienitsine, que l’Ukraine appartient à la Russie. Je dirais qu’elle possède un passé commun et que leur avenir doit se rencontrer.

 

Apparemment des espérences de paix pointent à l’horizon. Des céréales viennent d’être livrées aux pays les plus pauvres par l’Ukraine.

 

Seule cette dernière peut faire la paix avec la Russie. Seule la Russie peut faire la paix avec l’Ukraine.

 

Cette paix les concerne seuls. Personne ne doit s’en mêler.

 

La diplomatie mondiale a échoué devant cette paix. Elle est aussi notre avenir.

 

 

 

Il est des moments de l’Histoire ou les nations viennent à se heurter, ou le danger est grand d’une conflagration, faute d’un terrain d’entente et de conciliation.

 

C’est le cas actuellement dans le conflit qui oppose l’Ukraine à la Russie. D’un côté on note les erreurs de part et d’autres, celles des américains, celles des européens,  les fautes d’appréciation et les tentatives de déstabilisation de l’Ukraine.

 

Celle-ci est historiquement partie prenante de la Russie. Cependant, elle désire sa liberté, rompre avec un passé trop lourd marqué par le stalinisme.

 

Elle se veut européenne.

 

Poutine souhaite préserver l’empire russe, le reconstruire. Il défend une conception traditionnelle de la liberté.

 

Le même vertige saisit de nombreuses nations, y compris la France au moment où celle-ci tend à se fondre dans l’Europe. Elle craint de perdre son identité.

 

C’est à cet instant que l’on doit se référer à des principes très clairs.

 

On demandait un jour à Albert Camus si sous prétexte d’élargissement de la notion de liberté dans un avenir proche, on pouvait faire fi de cette dernière quelque temps. Et il répondait « On n’arrête pas le cœur de l’homme ! »

 

C’est ce qu’a fait Vladimir Poutine et c’est pourquoi son initiative est vouée à l’échec.

 

On ne peut empêcher le cœur de l’Ukraine, ni celui de la Russie, de battre un seul instant sous prétexte de protéger et de reconstruire un empire.

 

Quel que soit l’avenir, l’Ukraine et la Russie seront désormais séparées par un mur de haine et de sang.

 

On peut consolider un empire, par la terreur certes, mais il ne sera pas fondé sur la vérité.

 

D’ores et déjà il est condamné.

 

Edouard Valdman

Ecrivain